Cavalier rouge edo by Eli Esseriam

Auteur:Eli Esseriam [Esseriam, Eli]
La langue: fra
Format: epub
Tags: - Divers
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

15

Anel était assis par terre. Il arrachait les rares touffes d'herbe jaune qui se fatiguaient à pousser devant notre baraque. Il faisait vraiment pitié, le frangin, de loin. Même de près, je pense. On aurait dit un petit autiste ou un môme avec une maladie génétique. J'en avais vu une fois, dans une émission, qui avaient des maladies bizarres. Tout tacheté, genre dalmatien, ou avec la tête frippée d'une petite vieille. Hyper flippant. On en était pas là avec le moucheron mais il aurait fait illusion au téléthon, avec son cou de poulet qui attend le couteau et ses oreilles tellement petites qu'on aurait dit deux minuscules champignons de Paris.

C'était toujours pareil : je le voyais et j'avais envie de le serrer dans mes bras à en faire péter sa cage thoracique. Finalement, que j'aime ou non, c'était toujours violent.

- Qu'est-ce que tu fais dehors, nain de jardin ? T'attends qu'on t'arrose ?

Il se précipitait vers moi, comme tous les jours. Quand je dis précipiter, c'est précipiter. Il me courait dessus comme si je venais le sauver d'un ogre. J'étais son héros sans avoir foutu grand-chose pour mériter. Il enlaçait ma taille avec ses bras qui avaient l'air longs, rapport à sa maigritude. Ben ouais, à ce stade-là, c'était pas de la maigreur. C'était un look, une tendance, un art de vivre quoi. Je mettais du fric de côté pour changer tout ça. Bientôt, très bientôt, j'aurais de quoi nous payer un petit appart', rien que pour nous deux. Je demanderais l'avis de personne pour ça. Je lui arrangerais une vraie chambre, avec un vrai lit et de jolis draps qui sentent comme les pubs à la télé. Et y aurait un petit bureau pour ses devoirs, avec une étagère où ranger ses livres. Et les miens. Possible qu'on lise les mêmes... Ce serait tout confort. Avec une douche, peut-être même une baignoire. Plus besoin d'aller se laver à la piscine comme des lépreux. Et on mangerait tous les soirs chez Drita. Enfin, jusqu'à ce qu'elle m'ait appris comment cuisiner pour Anel. Après, ça roulerait, je pourrais tout gérer. Dans un mois ou deux, ce serait bon. J'étais sur un plan pour un logement sympa, avec un parc pas loin où y avait un tourniquet, il paraît. Le cousin du beau-frère d'un fournisseur de légumes de Suljo. Un gars de confiance, quoi. Je lui ferais la surprise, à mon binoclard. Les parents remarqueraient rien. Ils s'occupaient autant d'Anel que de moi. C'est dire. Après, faudrait que j'enchaîne les combats, pour continuer à payer le loyer, tout ça. Mais je m'en foutais. J'y arriverais.

- Pourquoi tu rentres pas ? Il commence à cailler, bonhomme. Tu vas encore nous chopper la crève, épais comme t'es.

Il baissait le nez. Ça, ça voulait dire que les parents étaient soit en train de se distribuer des mandales, soit en train de baiser. Je sais pas ce qui était le plus traumatisant pour Anel. Ça se valait, je dirais. Ils faisaient chier à le traiter comme un teckel.

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